Lettre d’un ami occidental à un ami arabe malheureux

© Décembre 2013

« C’est un fait que beaucoup de jeunes Arabes cherchent refuge dans l’intégrisme religieux et admirent ceux qui commettent des attentats-suicide. Beaucoup se trouvent dans la précarité morale et matérielle. Peut-on les aider ? Un essai.»

Toi, oui toi, je te connais. Tout d’abord je veux que tu saches que je suis ton ami. Et je sais que tu souffres et je ne suis pas indifférent à ça. Saches que je te comprends, moi à ta place je réagirais de même. Face à ta souffrance j’ai décidé de ne pas détourner le regard mais de voir qu’est-ce que je peux faire pour t’aider.

Comment peut-on être totalement heureux si l’on sait que des gens, qui n’ont pas choisi leur vie, vivent dans la souffrance ? Pourquoi eux ? Cela aurait pu être moi. Qui choisit sa vie à sa naissance ? Finalement la vie n’est qu’une loterie et c’est la plus grande des injustices parce que l’on est toujours limité dans ses choix. quoi qu’on en dise. La tristesse est contagieuse, c’est comme un nuage toxique qui est emporté par le vent et qui fera pleuvoir son poison sur des hommes qui ne savent rien de sa provenance. Des hommes qui eux aussi n’ont pas choisi d’être malheureux. Voilà pourquoi je ne peux être indifférent à ta souffrance. Aujourd’hui toi et demain peut-être moi. C’est pour cela que je t’écrie, pour t’aider mais aussi pour m’aider moi aussi. Excuses-moi je ne peux pas faire plus pour l’instant. Je sais que tu es innocent et j’aimerais que tu le restes.

La tristesse peut s’exprimer de plusieurs façons. Toi je sais que tu es très en colère et que tu n’arrives pas à maîtriser ta haine. Le désespoir te ronge de l’intérieur. Oh oui je te comprends même si je ne vis pas cette situation moi-même. Où vis-tu ? Dans un pays beaucoup plus pauvre que le mien ou dans des banlieues déshéritées de quelque grande ville dans ma région ? Tu ne supportes plus ta pauvreté et tu veux que ça change.

Maintenant saches que dans une telle situation on peut être amené à prendre les mauvais choix parce qu’on est beaucoup plus vulnérable et influençable. Et c’est pour cela que je t’écris: pour t’avertir. Je crains que tu veuilles faire une bêtise. Ne le fais pas ! Tu es en train d’écouter les mauvaises personnes. Dis leur non ! Ne me dis pas que tu penses à commettre quelque violence pour soulager ta conscience. Ta vie est bien trop précieuse pour cela. Ta vie ne t’appartient pas, elle t’a été prêtée et tu dois en faire bon usage. Qui, lorsqu’il emprunte la voiture d’un ami, ne fait pas doublement attention à elle car il veut la rendre dans le même état qu’il l’a prise ? Je sais que tu n’as pas voulu cette vie mais saches que ce n’est pas tout. Il y a plus que la vie. L’amour par exemple. Tu n’aimes pas tes enfants, tes parents, tes frères et soeurs ? Penses à eux aussi. Ne les abandonne pas, ils doivent être fiers de toi. Et tes amis ? Tu as plus d’amis que tu le penses, même ici en Occident, des gens qui comme moi se font des soucis et ne veulent que le bonheur pour toi. Doit-on donner raison à ceux qui disent que les Arabes ne sont pas nos amis et qu’on ne peut pas les aider ? Et puis qui dit qu’après la mort il y a rien ? Et si nos actes auraient de l’influence dans l’au-delà ? Rappelles-toi que personne n’est jamais retourné. Fais donc attention au présent, qui sait ce qui t’attendra après.

Ne me dis pas que la religion est en train de remplir toute ta vie. Saches que la religion est toujours une chose privée qui ne regarde que toi, elle ne peut être qu’un détail dans la vie. Avoir la foi c’est merveilleux mais tout ce qu’il y a autour comme la religion ne doit pas commander ta vie. Tu dois rester libre ! Prends tes distances, n’acceptes pas tout ce qu’on te raconte. Et puis en ce qui concerne les réponses à tes questions, cherches et tu trouveras. Je te le jure. Je te promets que tu trouveras les réponses si tu cherches au bon endroit. C’est là où tu sais que tu as perdu quelque chose que tu dois chercher et pas ailleurs. Commences par trouver l’endroit où tu as perdu l’espoir et c’est là que tu trouveras les réponses. Tu n’auras plus de haine. Tu seras libéré de toute colère. Et un jour tu seras heureux, peut être pas dans cette vie mais un jour, oui c’est sûr, tu seras heureux.

Je sais que ta vie ne va pas changer mais tu peux éviter le pire. Tu n’aimes pas le monde tel qu’il est ? Tu ne peux malheureusement pas le changer. Tu dois penser à toi. La personne la plus importante pour toi c’est toi. Choisis toi-même et surtout choisis la vie. Ne prends surtout pas de décisions qui peuvent amener à la mort.  Par tous les moyens choisis la vie. Evites la voie qui amène à la mort du mieux que tu peux. Plus tu évites les risques plus tu es dans le bon. En évitant de prendre les mauvaises décisions, en n’écoutant pas les mauvaises paroles tu seras gagnant. Je ne peux pas t’aider à gagner au lotto mais tu as quand même gagné le gros lot si tu suis ma lettre. Tu vas te sentir tellement plus soulagé. Tu te diras: oui j’ai réussi. Je termine cette lettre par cette promesse. Maintenant je sais que tu as réfléchi à mes paroles et que tu prendras un autre chemin. Et je sais que moi aussi maintenant je peux être plus heureux – grâce à toi !

Cet article a été publié au Tageblatt du 31 décembre 2013 sous “Forum”.

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